Peut-on se fier à la parole d’un enfant lors d’une situation traumatisante ?
Pour certains adultes, un enfant ne peut mentir sur des faits graves, son innocence l’empêchant de manipuler la vérité. Pour d’autres, la parole d’un enfant, qui plus est s’il est jeune, est à remettre systématiquement en question.
Pour certains adultes, un enfant ne peut mentir sur des faits graves, son innocence l’empêchant de manipuler la vérité. Pour d’autres, la parole d’un enfant, qui plus est s’il est jeune, est à remettre systématiquement en question. D’après Yvon Tallec, chef du parquet des mineurs de Paris, “c'est un mythe de penser que l'enfant ne peut mentir, il peut se tromper et il peut être manipulé". Il faut traiter la parole des enfants avec la même prudence que celles des adultes”. En effet, sans pour autant parler de manipulation ou de perversité volontaire, nous pouvons nous interroger sur la capacité mnésique d'un enfant, notamment en cas de vécu traumatisant.
En d’autres termes : combien de temps un enfant peut-il garder en mémoire des informations relatives à des évènements traumatisants ? Un enfant a-t-il les capacités mnésiques pour restituer les détails de ce qu’il a vécu ?
Que se passe-t-il chez un enfant lors d’un événement traumatisant ?
Lors d’un événement traumatique, l’enfant va ressentir une émotion si forte qu’elle va venir perturber son cerveau. Ceci va occasionner la production d’endorphine et de kétamine qui va avoir un effet « anesthésiant » sur la mémoire, qui sera alors comme « effacée ». Cependant, cet effacement n’est qu’une illusion temporaire, car la mémoire n’a pas disparu totalement. La mémoire traumatique est une véritable « bombe à retardement ». Elle est constituée de « réminiscences intensives » qui vont faire revivre indéfiniment à l’enfant des traumatismes avec la même intensité de souffrance et provoquer chez lui un sentiment de danger permanent.
Lors d’un événement traumatique, l’enfant peut se retrouver dans un état de sidération : c’est une forme de paralysie psychique et physique.
Il ne faut pas attendre trop de temps entre les premiers doutes et les investigations (tentatives de recueil de la parole de l'enfant…), car dans ce type de situation, le temps ne joue pas en faveur de l'enfant :
- Flashs angoissants.
- Oublis.
- Déformations des souvenirs.
On ne peut pas toujours se fier à la mémoire d'un enfant :
Clubb, Nisa, Merritt et Ornstein en 1993, ont suggéré que la compréhension que fait un enfant d'un événement auquel il a été exposé, impacte profondément ce qui peut être enregistré et emmagasiné par sa mémoire.
Autrement dit, si un enfant ne comprend pas ce qui lui arrive, il se peut que certains détails secondaires ne puissent être enregistrés, puisque leur signification n'est pas comprise. Les situations complexes et rapides désorientent un enfant. Il ne pourra alors, que retenir un seul élément sous la forme d'un “détail” qui, parfois même, s'avèrera sans importance.
Selon Farrar et Goodman, en 1992, les enfants d'âge préscolaire présentent une sensibilité particulière aux situations routinières. De ce fait, ils se créent régulièrement des schémas ou des représentations d'évènements généralisés basées sur leurs expériences passées.
Autrement dit, les enfants auraient des difficultés à isoler un incident précis qui s'est produit dans le cadre d'un évènement habituel.
Il existe également une faiblesse au niveau de la reconnaissance du coupable (dans le cas où ce n'est pas un membre direct de la famille comme les parents que l'enfant peut voir tous les jours). Pour expliquer cette difficulté, Klee et al évoquent la thèse de la “Transférence Inconsciente”.
Ce phénomène décrit le principe selon lequel un témoin oculaire (un enfant victime) peut toujours confondre le visage d'un innocent avec celui du coupable, s'ils ont tous deux été vus antérieurement dans le même contexte ou dans un contexte associé.
Pour terminer cette réflexion sur les capacités mnésiques d'un enfant traumatisé et prouver à quel point il peut être difficile d'obtenir des réponses fiables, Foa et Riggs en 1993, se sont interrogés sur l'impact positif ou négatif de l'élévation du niveau de stress et d'angoisse au moment des faits sur la mémoire des enfants.
D'après leurs recherches, il semblerait que l'angoisse ressentie puisse inhiber l'enregistrement des détails secondaires et faciliter l'enregistrement des détails centraux. Les recherches sur le stress post-traumatique confirment que le rappel involontaire de souvenirs passés est susceptible de provoquer de fortes angoisses. Il est donc normal d'expliquer le rappel partiel des détails (désorganisés et fragmentés) composant les souvenirs traumatiques par le fait que ces mêmes détails sont enregistrés à un moment où les victimes font l'objet d'une angoisse extrême.
Autrement dit, le discours d'un enfant peut être décousu et contenir peu de précisions. Accusant un jour une personne avec de nombreux détails, pour finir par ne plus se le rappeler.
Peut-on pour autant qualifier la parole de l’enfant de peu fiable ? Il n’en est rien. Toutefois, comme chez un adulte, il convient de prendre au sérieux ce que l’enfant vous communique, tout en ayant conscience de ses propres difficultés à se souvenir en de pareilles circonstances.
Si la parole et les souvenirs viennent à manquer, soyez attentifs aux comportements de votre enfant. Lorsque les mots viennent à manquer, les maux du corps ou des problématiques diverses prennent fréquemment le relais. Servez-vous de notre application Parent’UP pour relever les indices de la présence d’un mal-être chez votre enfant dans le but d’affirmer ou d’aider votre enfant à parler.